Données publiques ouvertes : ce que cela pourrait changer pour nous tous

Voici le court article sur l’ouverture des données que j’ai proposé au bulletin trimestriel du SPPMM (Syndicat des professionnels et professionnelles du Montréal métropolitain) en octobre 2010. Il a été publié dans le numéro de juin 2011.

Depuis ce temps, le Directeur général m’a confié la coordination de l’équipe de projet du Groupe de travail sur l’ouverture des données de la Ville de Montréal. Le rapport préliminaire a été remis aux instances municipales à la fin de juin 2011 pour délibération.

 


 

Avez-vous déjà entendu parler de l’ouverture des données publiques (l’Open Data)? Depuis quelque temps ce sujet est d’actualité, particulièrement depuis que Barak Obama a promulgué deux directives présidentielles touchant la gestion de l’information numérique. La première porte sur les données publiques ouvertes et la seconde sur l’accessibilité de l’information dans Internet, particulièrement pour les personnes handicapées et vieillissantes. Dans le présent article, je vous propose un survol de ce sujet aussi vaste que passionnant sur lequel je travaille depuis plusieurs années.

Auparavant, permettez-moi de me présenter. Je suis une collègue professionnelle à la Ville de Montréal et membre du SPPMM depuis juin 1990. Je détiens un doctorat en sciences de l’information et une maîtrise en informatique de gestion. J’ai fait mes premières marques à la Ville comme responsable du développement du système budgétaire automatisé (1990-1994) et comme responsable de la mise en place de son site Web et du Carrefour communautaire (1994-2000). J’ai aussi participé à l’implantation du catalogue en ligne de la Bibliothèque de Montréal (1995-1996), contribué à l’avancement de la gestion du savoir au SPVM (2002-2005) et implanté avec succès un système simple de gestion de l’information numérique à la DSI (2007-2009). Depuis le début des années 1990, je suis militante du libre (accès, logiciels, données, technologies) et je publie à compte d’auteur un site Web.

Un autre buzzword des technos?

Les données publiques ouvertes sont tout autre chose qu’un buzzword des technos. En bref, ce sont des données non nominatives collectées par une administration publique qui ne relèvent pas de la vie privée ni de la sécurité publique et ouvertes au public. L’Open Government Data a formulé huit critères présidant à l’ouverture des données issues d’organismes publics ou non. Celles-ci doivent être :

  1. Complètes : mises à disposition dans un ensemble complet et intègre sous forme de fichier téléchargeable dans Internet;
  2. Primaires : telles que collectées à la source;
  3. Opportunes : mises à disposition dès que possible afin de préserver leur valeur;
  4. Accessibles : au plus grand éventail d’utilisateurs et pour des usages aussi divers que possible;
  5. Exploitables : par ordinateur et structurées pour permettre le traitement automatisé;
  6. Non discriminatoires : accessibles à tous, sans aucune obligation préalable ni inscription et sans usage privilégié ni exclusif;
  7. Non-propriétaires : mises à disposition dans un format sur lequel personne ne dispose d’un contrôle exclusif;
  8. Libres de droits : non soumises à des droits d’auteur, à un brevet, au droit des marques ni au secret commercial).

L’ouverture des données et des résultats est une pratique menée dans un esprit non concurrentiel et de collaboration dans laquelle on utilise souvent des logiciels libres. Pour ce faire, il est nécessaire de passer d’une mentalité de fermeture à une mentalité d’ouverture comme l’a expliqué l’inventeur du Web, Tim Berners-Lee.

Cela ne change en rien la responsabilité des dirigeants à titre de détenteurs des droits d’accès, mais cela force la classification des données de façon pertinente. Nous devrions alors constater que le capital intellectuel public est reconnu comme un bien commun. Ce principe est à la base d’un « gouvernement ouvert » (Open Government) qu’il est prudent de ne pas confondre avec l’approche du gouvernement électronique (eGovernment).

Les données qu’une ville peut partager ouvertement

Les villes partagent déjà des données, de l’information, des applications et des infrastructures, mais pas toujours de façon ouverte. Par exemple, une ville diffuse des contenus informatifs et condensés, des applications transactionnelles de paiement et de réservation, des systèmes d’information géographique dans son site Web et des accès Internet dans sa bibliothèque publique. Toutefois, ces données sont difficilement réutilisables et exploitables notamment lorsqu’elles sont publiées en format PDF [non accessible], ce qui prive l’organisation et les citoyens d’applications développées par ces derniers pour améliorer la vie quotidienne.

L’ouverture des données permet de mieux profiter de l’information et des services offerts par les villes et de contribuer au développement et à la préservation des biens communs. Habituellement, les sites municipaux mettent d’abord à disposition les données géospatiales. Par la suite, d’autres ensembles sont disponibles selon les besoins exprimés par les citoyens, tels que les décisions publiques, les données géoréférencées, des mesures, des flux urbains, des fonds documentaires et des statistiques.

En ayant accès à ces données, les universitaires, les entrepreneurs et les organismes communautaires peuvent mieux cibler les besoins des citoyens. Ils peuvent ainsi concevoir des applications qui mettent en valeur ces données au profit de la vie urbaine et stimuler la croissance économique dans une perspective durable. Les journalistes peuvent mieux rendre compte des situations et les mettre en perspective. Les individus, particulièrement ceux qui se sont appropriés les technologies de l’information, peuvent diffuser des données publiques avec les technologies mobiles (iPhone, iPad ou BlackBerry).

L’ouverture des données publiques nécessite une technologique simple. Les principales composantes sont : un site Web et un catalogue des ensembles de données avec leurs liens aux fichiers à formats ouverts téléchargeables. Ce catalogue est la pièce maîtresse du service en ligne. Des fonctions qui encouragent l’interaction avec les citoyens accompagnent le catalogue, par exemple un wiki, des liens aux sites sociaux et une boîte à suggestions. Le site Web devrait fournir les mesures pour évaluer les résultats, améliorer l’offre de service et la promotion.

Ce que cela implique dans les municipalités

Ouvrir les données publiques aux citoyens signifie également qu’elles sont accessibles aux employés de l’administration publique sans égard à leur appartenance à une unité administrative. Ce faisant, on contribue à améliorer la collaboration interne et à mieux coordonner les services aux citoyens. L’ouverture des données implique des changements de comportement par rapport à l’information : tous les employés doivent apporter leur contribution et non seulement les professionnels des technologies et des communications.

Dans les villes qui ont ouvert leurs données, cette dynamique a fait ses preuves tant sur la pertinence des applications, sur la qualité de l’information, sur l’amélioration de la qualité de vie urbaine que sur les économies réalisées. Toutefois, l’ouverture des données publiques nécessite certains efforts sur le plan des méthodes de travail afin d’améliorer la collecte de données et la production de documents. Il faut également accroître la transparence et l’imputabilité des gestionnaires par rapport au processus.

Ainsi, l’ouverture des données à la Ville de Montréal nécessiterait d’appliquer les règles qui découlent de sa Politique de sécurité de l’information, notamment en retirant les données nominatives, celles de la vie privée et de la sécurité publique dans les ensembles de données collectées.

Surtout, il serait nécessaire d’ajuster les mécanismes d’accès afin de concilier sécurité de l’information, collaboration et ouverture. Il faudrait aussi établir la licence ouverte et ses conditions d’utilisation tant à l’interne qu’à l’externe. Celle-ci pourrait notamment s’inspirer de la licence Creative Commons. Et conséquemment, il faudrait ajuster les appels d’offres et les contrats avec les fournisseurs.

Ce serait aussi l’occasion d’améliorer les initiatives locales en gestion de l’information numérique et en gestion du savoir dans les différentes unités administratives de la Ville et dans les arrondissements afin d’élargir les savoirs, faciliter leur transfert et encourager l’innovation.

L’exemple de la Ville d’Ottawa

De nombreuses villes mettent à disposition leurs données partout sur la planète. La liste des villes « ouvertes » s’allonge tous les jours : Londres, Paris, Seattle, New York, etc. Pour illustrer ce nouveau service aux citoyens, j’ai choisi le service en ligne Données ouvertes Ottawa.

Le catalogue, sous forme de tableau, énumère les ensembles de données et donne les liens aux fichiers. Chaque ensemble est doté d’une fiche descriptive, identifie le propriétaire, précise l’actualité, l’exactitude et les caractéristiques des données ainsi que leurs liens aux fichiers. Des liens vers des sites de groupe communautaire et des sites sociaux accompagnent le catalogue. Le site Web fait aussi la promotion d’un concours d’applications, AppspourOttawa, visant à encourager le développement d’applications à partir de données ouvertes par les citoyens. Les résidants sont invités à voter pour leur favori. Le catalogue est complété par une page sur les conditions d’utilisation des données, une foire aux questions et un glossaire.

À Montréal, où en est-on?

Vous avez peut-être entendu parler de données publiques ouvertes lors du lancement du site Montréal Ouvert ou à l’occasion d’interventions à la Commission sur les services aux citoyens. Le 26 août dernier, une soixantaine de militants et de sympathisants des données publiques ouvertes se sont réunis autour du groupe de citoyens Montréal Ouvert. Parmi eux, se trouvaient cinq professionnels de la Ville de Montréal. L’objectif convenu était d’obtenir une résolution du Conseil municipal de la Ville de Montréal sur les données ouvertes afin de permettre la mise en place d’un service en ligne.

Cet événement a fait réagir plusieurs professionnels et gestionnaires de la Ville. Qui serait responsable? Qui s’en occuperait?…. La Ville de Montréal est donc en marche vers l’ouverture de ses données. Les principaux acteurs sont désormais convaincus de la pertinence de cette pratique. Il s’agit maintenant d’instaurer les véhicules de coordination et d’élaborer un premier plan d’action. Ensuite, il faudra identifier les données ouvrables; les publier sous licences ouvertes sur un site Web; utiliser les outils existants et libres; accueillir, promouvoir et animer les communautés de citoyens et les communautés de pratique à l’interne; mettre à profit les résultats, interagir et continuer d’innover.

Au moment d’écrire ce texte, je ne peux pas vous en dire plus. Pour la militante du libre que je suis, la situation est très encourageante. Pour l’instant, il est intéressant de suivre les conversations foisonnantes dans les sites sociaux et… d’être à l’écoute des nouvelles à l’interne en restant en contact avec les champions du libre de plus en plus nombreux dans l’organisation.

Pour en savoir plus…

  1. Voir la définition dans Wikipedia;
  2. Montréal Ouvert.
    Vous pouvez suivre les militants sur LinkedIn, Facebook et Twitter;
  3. Montréal Ouvert : première réunion du groupe de pression;
  4. Communautique. Manifeste pour un plan numérique québécois;
  5. LiberTIC. (2010). L’Open Data : tout savoir (ou presque). Avec la collaboration de RegardsCitoyens.org;
  6. Aspects économiques de l’ouverture des données publiques

 

 

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.