Témoignage pour les données publiques ouvertes

J’ai eu l’honneur de témoigner devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique – Étude sur le gouvernement transparent. Ottawa, 28 février 2011 à 15 h 30, Réunion 46.
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Mes propos portaient sur les avantages des données publiques ouvertes selon la perspective du transfert des connaissances.

Diffusion Web
Procès-verbal
Témoignage (transcription disponible trois semaines après la comparution)

Note d’allocution

Introduction

Merci Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs, bonjour.

Je suis Diane Mercier, praticienne-chercheure et consultante en transfert des connaissances. Depuis plus de vingt ans, j’agis comme professionnelle de l’information à la Ville de Montréal. J’y suis, actuellement, chargée du dossier sur les données ouvertes.
J’ai une formation multidisciplinaire, au carrefour de vos préoccupations, puisque je détiens une maîtrise en informatique et un doctorat en sciences de l’information. Je contribue à de nombreuses activités de formation et de recherche au sein de plusieurs universités québécoises et organismes publics.
Mon témoignage, à titre personnel, portera sur les avantages des données ouvertes selon la perspective du transfert des connaissances.

Un bien commun à exploiter et à transférer

Les données publiques sont une composante du bien commun que nous nous devons d’exploiter et qui permettent de transférer, dans l’intérêt de tous, une énorme quantité de connaissances. Les organisations publiques en sont les gardiennes . Quand ces données sont rendues ouvertes, elles contribuent à la transparence, à l’imputabilité de nos organisations publiques et à la promotion d’un comportement éthique.

Les données sont, dans le contexte québécois, des « documents », numériques ou non. Ils incluent les systèmes de gestion de l’information et des connaissances qui sont les témoins des savoirs-faire.

Au Québec et dans nos grandes villes, ce sont surtout les jeunes qui interpellent les organismes publics. Tout comme le reste de la planète, ils réclament, haut et fort, le libre accès aux données pour se les approprier, y ajouter de la valeur, mieux comprendre ce monde et s’impliquer afin de le développer selon leurs valeurs . Ils veulent pouvoir utiliser ce qui leur appartient, car les données publiques, faut-il le rappeler, appartiennent fondamentalement au public et non aux organisations publiques.

À titre d’exemple, ce sont ces jeunes qui ont contribué à la consultation publique organisée conjointement par la Commission permanente sur les services aux citoyens et le Conseil jeunesse de Montréal. Les recommandations de la Commission demandent « Que la Ville de Montréal étudie la possibilité de diffuser des données ouvertes… » . Ces mêmes jeunes ont aussi participé à la révision quinquennale de la Charte montréalaise des droits et responsabilités .

Certes, le transfert intergénérationnel des connaissances se fait, mais il est urgent de l’accélérer
vers tous les citoyens et les collectivités et surtout à l’intérieur même des organisations publiques.

Le transfert des connaissances, à l’aide des données publiques ouvertes, est aussi très profitable pour la qualité de gestion de nos organismes publics. Il contribue à briser les silos organisationnels, à assurer la compréhension, la solidarité et la cohésion interne des personnels qui sont au fait de ce qui se passe dans leur organisation. Tout cela a aussi des incidences économiques certaines au chapitre de l’efficacité. La dissémination interne de l’information publique ajoute aussi à la garantie de la protection et de la pérennité du capital intellectuel public.

Feuille de route

Où sommes-nous et où allons-nous?

L’ouverture complète des données publiques, n’est pas spontanée. Les premiers bilans annuels des villes et des gouvernements qui ont voulu faire la démonstration de ce concept en font la preuve. Une ouverture complète prendra du temps. Elle demandera des efforts continus de tous : politiciens, administrations et citoyens – dans le but d’actualiser le capital intellectuel.
Le groupe LiberTIC a explicité le passage vers la phase initiale de la mise en oeuvre : militer, démontrer la pertinence, réunir les acteurs, convaincre les dirigeants.

Au Québec, certaines administrations en sont là et devraient bientôt passer à la phase suivante : la planification des initiatives :
* Les élus se saisissent de la question. Ils votent des lois et adoptent des politiques.
* Les dirigeants approuvent des directives, des standards et des plans d’action.
* Les citoyens ont accès à des catalogues d’ensembles de données ouvertes selon des conditions d’utilisation adaptées. Des interfaces sont créées par les organismes publics pour accéder directement aux bases de données publiques et des contributions citoyennes seront acceptées.
* Les standards d’accessibilité seront appliqués d’abord à la diffusion Web puis à toute la chaîne de production des documents.

Mais rien n’est alors encore joué.

Après avoir planifié, il sera nécessaire de s’ajuster continuellement. Les risques de régresser seront importants.

Les privilèges et les ententes d’exclusivités, des comportements informationnels, tels que la procrastination et la suradaptation , pourront exercer de fortes pressions de retour vers la fermeture .

De plus, le monde de l’informatique a tendance à vouloir se placer au centre de l’ouverture et à définir les défis posés comme s’ils étaient essentiellement technologiques, mais l’ouverture des données n’est qu’accessoirement informatique . Il est très important de réaliser l’existence de ce piège.

L’ouverture est avant tout un dossier humain et politique et c’est à ce niveau que l’on se doit de le situer si on veut réussir. Il appartient à la plus haute autorité de l’organisation d’en assurer le leadership et d’en confier la réalisation par les unités productrices de données, et ce au sein même de l’organisation. L’ouverture ne peut s’impartir ailleurs, par exemple dans les services informatiques, de relations publiques ou par des consultants.

Voici quelques propositions pour faciliter et encourager la phase des ajustements et la tâche confiée à la plus haute autorité de l’organisation :
* Se doter du support nécessaire en engageant des professionnels de l’information , en les intégrant aux équipes de travail des unités productrices de données et en les plaçant à des niveaux stratégiques.
* Soutenir les gestionnaires dans la classification des documents publics;
* Outiller et développer les compétences informationnelles et sociales des gestionnaires et des employés de toutes disciplines;
* Ajouter de la valeur aux données par des métadonnées (bibliographiques, contextuelles, probabilistes, d’imputabilité, analyses et condensés, etc.);
* Numériser de façon accessible les documents téléchargeables et les documents multimédias;
* S’affranchir des technologies et des applications logicielles propriétaires. L’accessibilité se conjugue difficilement avec ces logiciels hermétiques.
* Encourager le développement d’applications par les employés au même titre que le développement d’applications par les citoyens.

L’organisation apprendra donc à socialiser, à s’ajuster et à se recentrer sur ses forces : les données, leurs métadonnées, la connaissance de leurs comportements et les savoirs-faire.

Voici donc quelques observations qui, je l’espère, vous seront utiles. Merci.

Reblogue : Témoignage de la Dre Beth S. Noveck

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